‘’ LES CORDONNIERS SONT TOUJOURS LES PLUS MAL CHAUSSES ‘’
- Raph May
- 24 oct. 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 4 nov. 2024
Nous devons la reconnaissance de cette fameuse expression à Montaigne dans ses Essais au livre I : « Quand nous voyons un homme mal chaussé nous disons que ce n'est pas merveille s’il est chaussetier »
Il est vrai que consacrer son temps à aider les autres laisse peu d'espace pour soi-même. On le voit bien par exemple dans le dévouement des mères aux multiples fonctions, dont la charge mentale est certaine en la matière et souvent préoccupante.
Qui n'a pas déjà négligé ses propres besoins à passer du temps au service des autres ?
Et bien nous nous trouvons là face à une réalité confondante :
« On est souvent plus impeccable pour les autres que pour soi-même »
Mais alors d'où provient cette exigence à prendre soin des autres qui mène à la négligence de soi ?
Nous pouvons observer que dans cette posture de dévouement aveugle ce qu’on s’échine à réaliser pour les autres masque en fait un manque d'intérêt vis-à-vis de soi-même, et le plus souvent un sujet plus profond d’estime de soi, dont les conséquences varient en fonction du contexte.
La conscience et la priorité données aux autres n'est alors plus disponible pour soi-même ni suffisante pour se régénérer. On se trouve alors dans une situation qui se retourne contre nous et dont on ne mesure pas toujours les conséquences à long terme.
« Là où est le talent est le talon d'Achille »,
Ce dans quoi on excelle pour les autres est bien souvent un point faible à son endroit.
Cette formule est redoutable quand on prend un tant soit peu de recul. En effet elle révèle un paradoxe difficile à avaler, on serait prompte à apporter aux autres ce qu’on serait incapable de s’offrir à soi-même.
Les exemples sont pléthores : du professionnel de l’accompagnant qui peine à réaliser ses projets au thérapeute qui ne va pas bien, en repassant par notre cordonnier...
N’est-ce pas finalement une manifestation criante du syndrome majeur de l’accompagnant, enseignant, aidant ou « peuthes » de tous les horizons qui à vouloir tant aider les autres s’oublie jusqu’à négliger le propos et la posture qu’il honorent.
Ironie du sort ?
Il n’y a généralement « pas de fumée sans feu » et cela soulève un véritable sujet de positionnement sur le plan professionnel : l’exemplarité et la congruence.
Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Or nous savons que nous sommes d’abord suivis pour ce que nous faisons plus que par ce que nous disons, il suffit de voir l’éducation des enfants à cet égard.
Alors est-ce rédhibitoire ?
Nous avons affaire là à une vraie question de valeur personnelle. Je suis pour ma part sensible à l’incarnation des propos et des enseignements sans y être rigide, là où d’autres ni prêtent pas attention car après tout, c’est le résultat qui compte.
Ce qui signifie qu’il ne faut pas confondre savoir-faire et savoir-faire faire, notamment dans les domaines de l’apprentissage. En écho à la fameuse formule d’Arrigo Sacchi : « En quoi faut-il avoir été un bon cheval pour être un bon Jockey » ?
Tout cela n’est pas sans rappeler cette autre réflexion philosophique qui ferait trembler les bancs du baccalauréat : La vie de l’artiste est-elle indissociable de son art ?
Toute correspondance avec l’actualité est purement intéressante...
Et que se passe-t-il quand ils sont bien chaussés ?
Aussi se consacrer à ce dont on ne peut bénéficier relève-t-il de la dévotion aveugle, d’une obligation consentie, ou encore d’une redevance assumée ?
C’est pourquoi il est fondamental de distinguer le fait de se perdre dans l'autre où de se trouver à faire vocation d’en prendre soin et de le rendre autonome.
On assiste simplement à un alignement qui, quand il suscite l'inspiration, s'avère fort à-propos.
Ce qui conditionne cette attitude résulte éminemment de paramètres bien connus dans le système de pilotage de la Coach mobile - Cf. Article LDI
Est-ce à dire pour autant qu'un cordonnier bien chaussé serait suspicieux ?
La métaphore du masque à oxygène dans les mesures d’urgence peut nous renseigner simplement : celui qui va secourir son prochain se protège d’abord lui-même.
Il est vrai que face à la pression de notre époque le cordonnier n'a plus le temps de se déplacer puisqu'il occupe le plus clair de son temps à faire marcher les autres.
Et si le remède ne se trouvait pas tout bonnement dans un autre dicton: « Charité bien ordonnée commence par soi-même » ?
Pour cela faire appel à des instances de ressourcement, de régulation, d’accompagnement et de supervision n’est sûrement pas un luxe dont on saurait se priver.
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